LA BRIQUE ALBIGEOISE

 

Par Jérôme Poitte

 

 Les éditions Un Autre Reg’Art et Jérôme Poitte propose une soirée sur le thème de la brique foraine albigeoise : son origine, ses procédés de fabrication, sa zone d’influence. Le classement de la cité épiscopale d’Albi au patrimoine de l’Unesco… : une mini-conférence illustrée.

Editeur et auteur, Jérôme Poitte présente deux de ses livres : Albi, merveille de brique et de lumière - Le Tarn, une diversité géographique, et plus largement le travail de la maison d’édition sur le patrimoine.

 

La brique : des origines, sa fabrication de l’antiquité à la fin du xx° siècle.
 
 L’utilisation d’argile sous forme de brique crue ou plus tard cuite est connue depuis l’antiquité, d’abord utilisée au Moyen Orient puis diffusée en Gaule par les Romains, généralisée au I° siècle sous l’empereur Claude. 
Exemple le tombeau de Hérode Atticus sur la Via Appia
 Les plaines alluviales des rivières Tarn, Aveyron, Garonne et leurs affluents sont riches en argiles  faciles d’extraction et   d’utilisation, les villes crées le long de ces vallées ont un faciès commun du à l’emploi de briques d’un format ayant une caractéristique commune héritée de l’empire romain la proportion de 2/3 ; la largeur fait 2/3 de la longueur.
Les couleurs changeantes des citées viennent des oxydes contenus dans l’argile, oxydes de manganèse dans le nord (teinte plus sombre), oxyde de titane à Toulouse (tirant sur le rose), oxyde de fer à Albi (dominante plus rouge).
L’argile est récoltée, nettoyée, décantée et mélangée avec du sable de façon à obtenir une pâte homogène et molle  mise  en moules de bois.    
 L’extraction se faisait à la mauvaise saison, plus tard à la belle saison le séchage s’effectuait à l’ombre.
Crue comme cuite la brique peut être façonnée facilement et permet des décorations et des audaces architecturales (croisées d’ogives, encorbellements etc..) à moindre coût par rapport à la pierre.
  
Le terme de « foraine » : du dehors,  a) les briques sont faites sur le lieu d’extraction et non sur le chantier,  il y a donc transport même court.
b) elles servent à construire les extérieurs des bâtiments. 
c) leur position dans le four, les foraines seraient plus à l’extérieur par rapport aux autres fabrications.

Au déclin Empire romain, la brique n’est plus utilisé  mais plutôt les torchis, le bois. Les bâtiments de la période romane montrent l’utilisation de pierre de remploi  mélangée à la brique souvent d’origine romaine jusqu’au XIII° siècle qui marque le retour vers la brique. 
L’époque gothique marque un changement c’est le début du pastel, la reconstruction due à la fin des guerres contre les albigeois, coïncide aussi avec un renouveau urbain.
 
Exemple collégiale St Salvy le clocher avec la gachole.
La base du clocher nord, une partie du clocher sud et les murs latéraux  sont en pierre de style roman, à la fin du XIV° on élève les parties hautes avec une échauguette de style italien (la gachole) où se tient le guetteur de la ville  en brique.
Sur la plus vieille maison d’Albi la maison Fenasse au marché couvert fenêtre aux arcs romans  mélange d’appareil de brique et de pierre. 
 
L’incendie de Toulouse en 1463 a ravagé la ville et incité à construire différemment et privilégier l’utilisation de la brique,  les consuls reconstruisent la place en brique,  les autres villes suivent de Moissac à Ambialet, même chose le long de l’Agout. 
En fonction de la lumière, du temps, de la météo, de la saison etc.. Les couleurs changent.

Après la croisade des albigeois,  l’évêque Bernard de Castanet  décide de construire une cathédrale en réponse au défis des cathares, une réponse ferme en forme de forteresse pour un catholicisme militant avec un espace bien délimité pour canaliser l’énergie spirituelle et la brique est un très bon matériau pour une construction rapide et moins chère que la pierre.
La première brique est posée le 15 août 1282  En 1383, toutes les travées de la nef sont voûtées. S’ajouteront la porte Dominique-de-Florence, le baldaquin et le jubé  (1410) et le clocher (débuté au milieu du XIVe siècle et achevé en 1493). La cathédrale est consacrée le 23 avril 1480 par Mgr Louis Ier d’Amboise, évêque d’Albi. 
Malgré les épidémies de peste, la guerre de cent ans, des famines récurrentes, des difficultés d’approvisionnement, il a fallu  2 siècles  pour construire la cathédrale en murs pleins,  avec 14 millions de briques, et 5.5m d’épaisseur à la base avec un liant à la chaux.
Il n’y a pas d’arcs boutants extérieurs  mais des colonnes énormes qui compensent la force des ogives.
Pour asseoir sa domination épiscopale  face au pouvoir des temporels ( consuls et royauté) Bernard de Castanet  fait renforcer le palais épiscopal de la Berbie , l’ensemble monumental qui en résulte est sans équivalent.

Fabrication
Gravure du XVIII° :   méthode inchangée depuis  des siècles.
L’extraction de l’argile, la fabrication, le séchage et la cuisson des briques ont été inchangées jusqu’au XIX° où  la fabrication s’industrialise. Jusque là les tuiliers étaient des paysans  travaillant à mi-temps, il y avait autour des villes plusieurs briquèterie ou tuilerie employant des effectifs  de moins de 10 ouvriers,  avec 6 fournées par an, une fournée représente 600tuiles canal 400 grosses briques 10000 briques. 
Fin  19° salaire quotidien d’un contremaître 3.4fr et 4Fr, d’un ouvrier 3fr, d’un manœuvre 2f, les femmes 1.25fr à 1.50fr, les enfants 75centimes.
3000 ouvriers vivaient de la brique en 1850, en 1913 900 et  40 en 1960.
La briquèterie de Marssac a fermé en 1990.  

Source annexe Revue du Tarn n°189 printemps 2003

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